Menés par le complexe

Vendredi dernier, la sélection canadienne jouait son match le plus crucial depuis les quatre dernières années. Une nulle face au Honduras positionnait l’équipe dans une situation plus que favorable, elle s’est toutefois effondrée après avoir marqué en premier, 2 à 1.

Nombreux commentaires sur les médias sociaux ont noté le manque d’entreprise des Rouges, qui ont terminé le match avec un maigre 31.4% de possession et avec un seul tir cadré. Bien sûr, il est logique d’énoncer la supériorité des Honduriens en construction de jeux, mais il serait néanmoins simpliste d’expliquer la défaite canadienne que par le manque de talent du collectif.

Ce n’est pas que les Canadiens ont été nécessairement mauvais balle au pied, c’est plutôt que la stratégie choisie par Benito Floro était de ne pas l’avoir au pied, tout simplement.

D’abord par la décision d’encore une fois écarté Jonathan Osorio, lui qui a pourtant obtenu 19 départs avec son club (TFC) cette saison. Le sélectionneur a plutôt opté pour David Hoilett, lui qui n’a pas joué en club au courant de l’année 2016. Hoilett a d’ailleurs joué un match fade, incapable de créer quoi que ce soit.

De même pour Will Johnson, qui s’avérait pourtant comme une valeur sûre aux yeux de plusieurs, Floro a préféré David Edgar, défenseur latéral de formation, au poste de milieu défensif. Ce dernier, malgré ses efforts louables, n’a pas su relancer le jeu vers l’avant comme un milieu se doit de le faire.

Puis, Floro a fait déborder le vase en cours de match, en remplaçant Cyle Larin pour Nik Ledgerwood, défenseur de 31 ans évoluant au FC Edmonton, alors que les Canadiens tiraient de l’arrière avec une vingtaine de minutes à jouer. Comme si Floro voulait à tout prix préserver la défaite canadienne au score de 2 à 1.

C’est-à-croire que Floro ne croit pas sa sélection capable de percuter, d’oser, de créer et somme toute, de jouer du foot inspirant. Et pour celui qui rêve de voir son pays participer à la Coupe du monde, c’est désespérant.

Il n’a pas besoin d’être en jambes

Creusez donc, avant tout, au plus profond de votre mémoire de supporter de l’Impact de Montréal et cherchez à vous rappeler d’un but marqué en coup franc direct par le club, depuis son entrée en MLS, et ce, avant l’arrivée de Didier Drogba.

Il est tout à fait normal que rien ne vous vienne en tête, puisque l’Impact n’a pas marqué en coup franc direct au cours de ses trois premières saisons en MLS et pas plus en Championnat canadien, ni en CONCACAF.
Puis, l’Ivoirien a finalement rompu le sort le 19 septembre 2015 face au Revolution, alors que son tir ricochait sur un défenseur, pour ensuite faire tranquillement secouer les cordages.

Le constat est qu’après 23 matchs disputés avec le Bleu-blanc-noir, Drogba a désormais accumulé pas moins de 6 buts sur coup franc. Un tel engrenage, sur une facette aussi précise et difficile à maîtriser, transforme radicalement la configuration de l’attaque montréalaise.

Surtout lors des fins de rencontres, où les jambes s’alourdissent et qu’il devient beaucoup plus difficile de mettre l’effort nécessaire pour aller saisir un but décisif. Ce n’est pas sans hasard que les Montréalais marquent beaucoup plus souvent dans les arrêts de jeux qu’auparavant: C’est que Drogba n’a pas besoin d’être en jambes pour faire tourner le match. Il lui suffit d’un moment seul avec la pelota pour faire tout basculer.

Il va également s’en dire que les défenses adverses commenceront à redouter de plus en plus les coups de pieds meurtriers de Didier. Quitte à donner davantage d’espace aux attaquants de l’Impact, elle ne voudront plus tomber dans le panneau en commettant des fautes évitables, qui les placent actuellement à la merci de l’Éléphant.

Si nous ne sommes plus à même d’assister aux courses fougueuses du numéro 11, qui transperçaient jadis les défenses de la Ligue 1 et de la Premiership, nous pouvons toutefois être témoins de sa technique de classe mondiale ainsi que de sa confiance sans borne au moment où il exécute un coup franc. Lui, qui n’a visiblement rien perdu lors de cette situation de jeu.

Après 10 matchs: l’imprécision

Rappelez-vous du camp d’entraînement de fin février dernier, où l’Impact se vantait sans gêne de posséder une défense élite ainsi qu’une attaque redoutable. Est-ce que l’on s’enorgueillissait de notre milieu de terrain avec la même démesure? Il y avait bien sûr la venue prometteuse d’un jeune joueur provenant de l’Illinois, sans oublier Venegas et Ontivero, qui permettaient aux supporters de croire à une dimension axiale véritablement révolue par rapport à celle de Klopas.

Sans doute pour faire taire les incertitudes concernant son milieu de terrain, le clan Biello a choisi de faire la promotion d’une «certaine profondeur». Mais ces dix premiers matchs démontrent que la plus belle des profondeurs peut devenir lassante à force  d’y creuser sans répit.

Il y a t-il, ne serait-ce qu’un seul indispensable, qui évolue au milieu de terrain? Bekker, Alexander, Bernier, Mallace, Venegas, Donadel, Shipp, Ontivero; brassez bien vos cartes et retentez de créer une combinaison gagnante de nouveau.

Difficile en effet, de développer des automatismes et d’être précis dans ces actions quand le cœur d’une formation est en constante rotation. Deux hypothèses: soit les milieux ne répondent pas aux attentes, en particulier les nouvelles acquisitions, et Biello joue à la chaise musicale non par choix. Ou bien, l’Impact  désire volontairement faire l’étalage de sa profondeur, pour ensuite la hiérarchiser avec justesse.

Toujours est-il qu’un grand flou règne dans l’axe, comme si personne ne voulait s’en emparer pour l’instant. Peut-être alors que cette trop grande politesse intra-équipe forcera la main des dirigeants à faire la conquête d’un milieu qui répondra enfin au besoin criant d’établir une liaison beaucoup plus solide entre la défense et les avants montréalais.

L’Impact de Laurent Ciman, L’Impact de Didier Drogba; une défense + une attaque  = un championnat. L’équation fait désormais beaucoup plus de sens théoriquement que dans sa pratique.

Alors, Jean-Yves Tabla? Samuel Piette? Frederico Higuain? Yaya Touré? …Permettez-moi de fabuler.

 

S’étouffer dans la poutine

Ça devient épuisant d’encaisser les mêmes discours, année après année, provenant des mêmes fanatiques de Canadiens, qui s’érigent comme les défenseurs d’une charte qui  voudrait établir sa culture sportive comme sacrée et indélogeable.

La culture sainte d’une flanelle débridée

Il fallait lire la colonne des commentaires d’un site de nouvelles montréalais pour ressentir le ressac d’une culture qui refuse de concéder un pouce à celle qui émerge à ses côtés. C’était en réaction aux propos de Saputo, qui exprimait sa déception du peu d’engouement concernant le match d’ouverture locale. On peut être en droit de questionner un constat si hâtif du Président, mais là n’est pas où le bât blesse. C’est plutôt cette «mononclitude», se débattant sans relâche afin de noyer un sport dont la croissance est désormais irrémédiable, qui vient me plonger dans un certain désarroi.

Comment peut-on encore s’attaquer à la légitimité même du foot, à Montréal, en 2016? Parce qu’il y a une mer de différences entre la critique d’une organisation précise et celle d’un sport qui règne en maître partout à l’international. À lire ces « vous devrez me payer pour que je vienne voir du soccer» et ces « parle-moi pas d’un sport de tapettes»; il y a de quoi se demander à quel point sommes-nous, collectivement, rester reclus assez longtemps sur nous-mêmes et sur notre Canadiens national, pour sombrer dans un tel mépris du ballon rond?

Je décèle aussi dans cette réclusion, une certaine méfiance d’accueillir ce qui vient de «l’ailleurs». Et je comprends parfaitement le désintérêt de certains amateurs de hockey envers un sport dont ils ignorent les codes et les rudiments. C’est plutôt dans l’écartement volontaire d’un vecteur culturel qui se veut unificateur, à petite et grande échelle, que je trouve qu’il y a de facto : ignorance et mépris. Où sommes-nous quand la planète entière communie autour de la Coupe du monde et pourquoi vouloir consciemment se retirer de la discussion interculturelle que permet le foot?

Lueur d’espoir pour l’Impact : la jeunesse

Le chemin s’annonce encore long et périlleux pour l’Impact et ses pèlerins. Surtout lorsque l’on constate qu’ils devront forcer la main des grands médias, sans espérer un coup de pouce véritable de leur part. Ils devront ainsi compter sur un facteur bien précis, celui du temps, qui finira par accorder une voix à ces milliers de jeunes joueurs de foot, aujourd’hui supporter, que l’on ignore encore en faveur du public baby-boomer qui monopolise largement  nos médias et ses intérêts.

Le savoir-gérer

La pression commençait à peser de plus en plus lourdement sur la défensive montréalaise. J’ai regardé le cadran: 78 minutes de jouées, 2-1 Impact, j’avais la chienne. De vifs flashback de ses avances gaspillées à l’étranger me sont venus en tête, de ses écroulements répétitifs qui survenaient à maintes reprises au cours des dernières saisons et qui s’étaient pratiquement imposés comme une affreuse coutume.

Puis, j’ai vu l’Impact gérer comme toutes équipes qui aspirent à se maintenir au top du championnat se doit de le faire. Peu de déchets, pas de panique, la grosse relance, le sang froid et pour finir, le dernier coup de poing.

Bien sûr, Bush a sauvé la mise et off course ce n’était pas pleinement jojo dans le dernier tiers défensif, mais Montréal a fait l’aveu d’une formation qui se tient debout et qui ne rougit plus de mener son match ; chose qui diffère de la formation qui pleurait dans les tranchées en attendant que l’officiel siffle sa libération.

Se sentir en juin au mois de mars

Cinquième printemps dans le circuit Garber et celui-ci possède déjà sa saveur bien distincte. Avant même que les premiers «Et le but!» de Douville retentissent de nos téléviseurs, j’ai déjà l’impression d’être plongé au cœur même de la saison; chaude soirée de juin, bière à neuf dollars à la main, Drogba étendu au sol (que ce soit pour célébrer ou pour cause de bobo momentané).

Impression en partie fondée sur le fait que pour la première fois depuis le périple MLS, la couverture médiatique de l’Impact de Montréal ,sous le couvert de la saga Drogba, a débuté en plein hiver et s’est étirée sans se reposer jusqu’à présent.
Force est d’admettre que la saga en question aura étrangement apporté bien plus de visibilité à  l’Impact que sa participation à la CONCACAF 2015. Pour la première fois peut-être, nos médias ont parlé de foot en s’imaginant dans son écosystème, en s’intéressant à son marché, à ses failles bien sûr, mais aussi avec une pointe de fierté à être acteur entier dans la même pièce de théâtre que le Chelsea FC.

Parce qu’affronter Club América en finale relève du fantasme pour le fanatique pur et dur;  l’événement n’a toutefois pas engendré la même résonnance médiatique que le scandale Montréal-Londres, au Québec. Si certains journalistes s’acharnent à parler de «distraction» et à vouloir retirer le pôle accordé à Didier, à mon avis, l’on devrait plutôt fermer le chapitre de cette entre-saison rocambolesque en y apposant le titre : «attraction».